Mise à jour hebdomadaire 6 | Vendredi 2 mai

La mise à jour hebdomadaire sur l’élection canadienne présente les tendances et dynamiques observées dans l’écosystème de l'information (Aperçu), identifie et analyse les incidents d'information et les menaces émergentes (Incidents), et partage du contenu éducatif, des résultats de recherche et d’autres publications pertinentes de notre Coalition pour la résilience de l’écosystème de l'information (Mise à jour). 

Tous les faits et données présentés proviennent d’un sondage original et d’une collecte de données sur les médias sociaux réalisés par l’Observatoire de l’écosystème médiatique. L’analyse couvre la période du 23 mars au 28 avril.


Faits saillants

Nous commençons cette dernière mise à jour hebdomadaire avec six réflexions de notre équipe de recherche. Il s’agit de premières impressions et de constats préliminaires. Notre analyse post-électorale s’appuiera sur des données plus riches provenant de sondages et des médias sociaux, ce qui nous permettra d’évaluer plus en profondeur ces constats ainsi que l’état global de l’écosystème de l'information pendant et immédiatement après l’élection.

  1. La désinformation amplifiée par l’IA générative : Notre surveillance a révélé une quantité importante de désinformation sur les réseaux sociaux, avec de nombreux cas impliquant de l’IA générative et des activités automatisées de bots. Des fausses nouvelles et des deepfakes générés par IA, portant sur des chefs de partis politiques et imitant des médias comme CBC et CTV, se sont largement propagés pendant la campagne. Ce phénomène est aggravé par les restrictions continues de Meta sur le contenu d’actualité au Canada. 

  2. Une ségrégation politique et numérique croissante : Les plateformes de réseaux sociaux deviennent de plus en plus polarisées, tant dans les conversations que dans leurs bases d’utilisateurs. Les utilisateurs et candidats affiliés au Parti libéral migrent vers des plateformes comme Bluesky, tandis que les voix conservatrices dominent de plus en plus sur X. L’usage de TikTok par les politiciens reste marginal, bien que plusieurs médias canadiens y rencontrent du succès. Cette segmentation numérique risque d’aggraver la polarisation, en creusant les divisions politiques et en rendant plus difficile la lutte contre la désinformation.

  3. L’influence des États-Unis a joué un rôle important : Même si Trump, les tarifs douaniers et les menaces d’annexion ont été des enjeux majeurs tout au long de la campagne, notre principale préoccupation portait sur une possible ingérence secrète des États-Unis dans l’élection. De nombreux Canadiens partageaient cette inquiétude. Toutefois, malgré un niveau élevé d’anxiété publique, nous avons observé peu d’implication directe ou d’impact notable de la part d’acteurs étatiques américains ou d’influenceurs majeurs au cours de cette période électorale.

  4. Une ingérence étrangère limitée : Les allégations d’ingérence étrangère ont suscité beaucoup d’inquiétudes pendant la campagne. À ce jour, nous n’avons cependant trouvé aucune preuve d’une interférence étrangère ayant eu un impact significatif lors de ce cycle électoral, bien que certaines limites méthodologiques doivent être prises en compte. Nous avons relevé quelques tentatives, mineures, mais repérables, d’acteurs étrangers visant à produire ou amplifier des tendances de désinformation existantes et à diffuser du contenu polarisant, notamment à l’égard de communautés diasporiques. Ces tentatives ont généré peu d’engagement ou d’attention au Canada, mais leur présence souligne l’importance de maintenir une vigilance constante face à l’ingérence étrangère potentielle.

  5. Comptes suspects ciblant Mark Carney : Sur la plateforme X, nous avons observé de nombreux comptes suspects s’attaquant à des chefs politiques, en particulier à Mark Carney. La manipulation de l’information sur cette plateforme demeure une source importante de préoccupation. La réduction de l’attention portée à l’intégrité électorale, combinée à un relâchement généralisé des politiques de modération, semble contribuer à un environnement informationnel de plus en plus polarisé et conflictuel. 

  6. Propagation de fausses informations sur l’intégrité électorale : Dans la seconde moitié de la campagne, nous avons constaté des efforts coordonnés pour diffuser des récits remettant en question la légitimité du processus électoral. Bien que l’impact immédiat de ces récits demeure limité, et la confiance envers le processus électoral restant élevée chez les partisans des principaux partis, certains incidents de désinformation ont connu une forte visibilité en ligne. Cela a été particulièrement marqué sur des plateformes comme X et TikTok, où circulent de nombreuses allégations de fraude électorale mal étayées. La montée en puissance de ces récits dans le contexte électoral canadien est préoccupante et souligne l’importance de poursuivre les efforts visant à renforcer la transparence et la confiance dans nos institutions démocratiques.


Aperçu

Retour sur l’élection : bilan des incidents d'information marquants de la campagne

Aperçu de la période électorale 

Avant le déclenchement officiel de la campagne, nous avons réalisé une analyse environnementale approfondie* de l’écosystème canadien de l'information afin d’identifier les vulnérabilités clés et les récits menaçants susceptibles d’avoir un impact sur le processus électoral. Nous avons anticipé l’émergence d’incidents liés à cinq grands enjeux:

  1. Influence et interférence étrangères (États-Unis, Chine, Russie et Inde; les préoccupations concernant l’interférence américaine ont fortement augmenté après les déclarations du président Donald Trump sur le Canada comme 51ᵉ État); 

  2. Communautés issues de la diaspora (répression transnationale, campagnes coordonnées de désinformation visant notamment les communautés chinoises et indiennes);

  3. Intégrité électorale (inquiétudes liées à la fraude électorale, à la sécurité des technologies électorales et aux controverses entourant les résultats du scrutin);

  4. Immigration (souvent liée aux thèmes de l’abordabilité, du logement et de la criminalité); 

  5. Changements climatiques (taxe sur le carbone et extraction des ressources naturelles).

Pendant la campagne électorale, certains de ces enjeux se sont manifestés plus fortement que d’autres. Les discussions se sont d’abord concentrées sur l’influence étrangère, en particulier celle des États-Unis et de la Chine (et, dans une moindre mesure, de l’Inde). Bien que les préoccupations liées à ces pays soient demeurées relativement stables tout au long de la campagne de 2025 (voir figure 1), l’inquiétude à l’égard des États-Unis a dépassé celle suscitée par la Chine et la Russie, atteignant près de 70 % — soit une augmentation de 30 % en un mois.

*La méthodologie comprenait une modélisation thématique des données numériques internes, une revue de la littérature, une analyse de recherches, de rapports politiques et gouvernementaux, ainsi que les leçons tirées des activités de surveillance électorale précédentes.

Figure 1 : Niveau de préoccupation à l’égard des pays tentant d’exercer une influence sur la politique et les élections canadiennes

Dans les discussions sur l’influence étrangère, certaines ont porté sur le ciblage de communautés issues de la diaspora, notamment l’influence chinoise via RedNote et WeChat. Toutefois, dès le début du vote par anticipation, l’attention du public s’est déplacée vers des enjeux liés à l’intégrité électorale : préoccupations concernant la fraude, remise en question des sondages, soupçons à l’égard des machines de dépouillement, ou encore craintes que des travailleurs électoraux puissent manipuler les bulletins de vote, entre autres. 

L’immigration et les changements climatiques ont finalement été très peu abordés au cours de cette élection, et aucun incident d'information n’a été associé à ces enjeux.

Résumé des incidents 
Nous avons identifié et enquêté sur 36 incidents d'information au cours de la campagne électorale. Moins de la moitié des incidents potentiels détectés ont été escaladés : 13 incidents mineurs (niveau 1) et 2 incidents modérés (niveau 2) (voir nos seuils d’intervention ici). La figure 2 présente le nombre cumulatif d’incidents potentiels, par semaine de la campagne.

Figure 2 : Nombre total d’incidents évalués pendant la période électorale

Les types d’incidents identifiés se répartissent en quatre catégories : 

  1. Influence et interférence étrangères : tentatives d’acteurs externes d’influencer le discours public au Canada; 

  2. Intégrité électorale : préoccupations liées au déroulement du processus électoral;

  3. Manipulation des plateformes : utilisation de bots ou de techniques malveillantes pour manipuler l’engagement sur les plateformes; 

  4. Manipulation du contenu (IA générative) : recours à du contenu altéré pour déformer la réalité. 

Au total, un incident sur trois était lié à une forme potentielle d’interférence étrangère. La manipulation des plateformes et du contenu (bots et IA générative) représentait 14 % des incidents. Comme expliqué plus loin dans cette mise à jour, plusieurs affirmations menaçantes ont visé l’intégrité électorale, mais nous les avons regroupées sous un incident d'information principal.

Parmi les différents types d’incidents évalués durant l’élection fédérale de 2025, les incidents de désinformation, mésinformation et malinformation ont augmenté de façon constante, atteignant un sommet lors de la dernière semaine de la campagne. 

Les incidents liés à l’influence étrangère, quant à eux, étaient davantage concentrés en début de période électorale. Le reste de ce survol présente un résumé général des incidents d'information identifiés et signalés pendant la campagne. Un rapport final post-électoral offrira une analyse plus détaillée de l’ensemble des incidents.

  • Quatre pays — les États-Unis, la Chine, l’Inde et la Russie — étaient largement perçus comme les principaux acteurs étrangers menaçant l’élection. Toutefois, seuls les États-Unis et la Chine ont été associés à des incidents d'information au cours de la campagne. 

    États-Unis : Les préoccupations concernant l’influence américaine ont augmenté après la montée des discussions sur le Canada comme potentiel « 51ᵉ État ». Nous avons signalé deux incidents liés à ce thème : un groupe Facebook pro-51ᵉ État présentant un fort taux d’engagement, ainsi qu’un mouvement en ligne militant pour l’annexion de l’Alberta. Nous avons examiné les liens entre ces groupes et des sources américaines, et conclu que ces initiatives n’étaient pas soutenues par des organisations américaines ni associées à une interférence significative ou à une perturbation notable de l’écosystème canadien de l'information. 

    Chine : L’élection a été marquée par une forte activité en ligne autour des liens présumés entre la Chine et le Parti libéral. Nous avons signalé de nombreuses affirmations à ce sujet au fil de la campagne. L’incident le plus notable provient d’un signalement du groupe de travail de SITE, concernant une chaîne WeChat basée en Chine qui aurait tenté d’influencer les communautés sino-canadiennes. Après avoir surveillé cette chaîne, nous avons constaté très peu de contenu lié au Canada, le plus récent portant uniquement sur les résultats de l’élection. Aucune activité inhabituelle ni récit trompeur visant à influencer l’opinion publique canadienne n’a été observé. Nous avons également constaté que les discussions autour de Joe Tay sont fortement restreintes sur des plateformes comme WeChat et RedNote, ce qui limite sa visibilité ainsi que les échanges à son sujet au sein des communautés diasporiques transnationales. Par ailleurs, les récits partisans circulant sur RedNote étaient majoritairement favorables au Parti conservateur et critiques à l’égard du Parti libéral.

    Bien que nous n’ayons pas signalé d’incidents mineurs liés à l’Inde ou à la Russie, leurs actions ont tout de même été rapportées par d’autres sources au cours de l’élection. Par exemple, des allégations d’interférence indienne dans la course à la direction du Parti conservateur en 2022 ont ravivé un débat en ligne qui, qu’il soit coordonné ou non, a contribué à semer le doute sur l’intégrité électorale et à préparer le terrain pour de futures allégations de fraude.

    De son côté, la couverture médiatique russe s’est concentrée sur des thèmes tels que les menaces américaines, l’immigration, le mondialisme, Gaza et l’élitisme, principalement relayés sur les médias sociaux. Bien que les médias d’État russes aient évité les discussions sur les liens présumés de Mark Carney avec la Chine ou ses avoirs à l’étranger, ils ont publié du contenu sur sa position contre le convoi de la liberté ainsi que sur les attaques présumées des libéraux envers le Parti populaire du Canada. Selon DisinfoWatch, les médias d’État russes et les comptes qui leur sont affiliés ont ciblé Mark Carney à travers des récits négatifs le présentant comme un membre de l’élite mondiale et un partisan de l’Ukraine, une posture qui contraste avec les efforts chinois, qui semblaient plutôt favorables à son égard.

  • Des questions liées à l’intégrité de l’élection ont émergé en grand nombre à l’approche du jour du scrutin. Des récits ont circulé, affirmant notamment que les bulletins marqués au crayon pouvaient être modifiés ou que les données de sondage étaient manipulées. Le volume élevé de ces affirmations, leur niveau d’engagement en ligne et la menace perçue pour le processus électoral ont mené à la classification de la fraude électorale comme incident modéré. Une enquête plus détaillée sur cet incident est présentée à la fin de cette mise à jour (voir section sur les incidents). Plus largement, il convient de souligner que certains récits de fraude électorale faisaient écho à des affirmations similaires diffusées lors de l’élection provinciale en Colombie-Britannique à l’automne 2024, notamment l’allégation selon laquelle Élections Canada, à l’instar d’Élections C.-B., favoriserait le gouvernement en place (les libéraux au niveau fédéral, le NPD en C.-B.). Une analyse de Chris Tenove, Nishtha Gupta, Mahnan Omar et Grace Lim, publiée dans Maclean’s, distingue trois grandes catégories de récits contestant l’équité électorale : la désinformation sur le processus de vote (à corriger activement), l’interférence étrangère (qui nécessite une vigilance soutenue), et des critiques plus larges portant sur un écosystème de l'information jugé pollué et polarisé (qui méritent un débat public et des mesures concrètes).

  • Un volume important d’activités suspectes a été observé sur X et TikTok tout au long de l’élection. 

    Sur X, le DFRLab a relevé de nombreux cas de comptes à comportement automatisé (bot-like), publiant massivement des images répétées attaquant des personnalités politiques, principalement le Parti libéral et Mark Carney. Nous avons enquêté sur une campagne suspecte de type bot diffusant le récit selon lequel Mark Carney serait lié à Jeffrey Epstein. Bien que certains comptes suspects aient amplifié cette histoire, leur impact semble avoir été limité. Nous estimons que la propagation de la campagne est surtout attribuable à des commentateurs ayant partagé l’image au début de 2025. Nous sommes également au courant des rapports publiés par ResetTech, le Financial Times et CAAD concernant des réseaux de bots sur X relayant des récits pro-russes et de droite, dont certains étaient critiques envers Mark Carney et favorables à Pierre Poilievre. Dans notre évaluation préliminaire, nous avons détecté certaines activités suspectes, apparemment coordonnées, mais un faible niveau d’engagement général avec ces comptes. Ces rapports démontrent qu’il y a eu des tentatives d’utiliser des comptes automatisés pour manipuler l’opinion publique sur X. 

    Sur TikTok, selon le Pol Comm Tech Lab, près de 30 % des plus de 1000 comptes identifiés pendant la campagne n’avaient pas de visage visible ou utilisaient des images de profil générées par IA. Ces comptes avaient peu d’abonnés, mais leur contenu atteignait les Pages Pour Vous (For You Pages) axées sur les élections. Il n’est pas clair si ces comptes étaient authentiques ou s’ils faisaient partie d’activités coordonnées, rémunérées ou non. Bien que nous n’ayons pas déclaré d’incident spécifique sur TikTok, et qu’il soit difficile de détecter les bots sur cette plateforme, nous avons observé une activité importante de type bot, provenant de nombreux comptes publiant des milliers de publications et commentaires par heure. Cela dit, en analysant le contenu électoral sur TikTok, nous constatons que les comptes les plus actifs (ayant publié plus de mille contenus liés à l’élection) ne présentaient pas d’indicateurs clairs d’activité automatisée.

  • Bien que la majorité des contenus modifiés ou générés par IA (deepfakes) aient été utilisés à des fins humoristiques, la diffusion de publicités politiques frauduleuses mettant en scène des images retouchées de chefs de partis et imitant des segments de nouvelles télévisées a contribué à la perception d’un environnement informationnel pollué. 

    Publicités et nouvelles deepfake : Nous avons déclaré un incident modéré (niveau 2) concernant des publicités générées par IA se faisant passer pour de véritables sources d’information canadiennes et menant à des arnaques en cryptomonnaie. Le volume élevé de ces publicités (près de 100 pages identifiées, touchant potentiellement des centaines de milliers de Canadiens) posait un risque sérieux d’influencer la perception du public pendant la période électorale. Cette prévalence suggère aussi que, dans l’écosystème actuel, « réussir en ligne » revient davantage à exécuter une arnaque bien ciblée qu’à produire un contenu journalistique de qualité, ce qui soulève des doutes importants sur l’impact des plateformes sur l’économie des médias, particulièrement en période électorale. 

    Deepfakes de politiciens : Bien que les contenus deepfake réellement convaincants soient restés rares, nous avons observé plusieurs exemples réalistes et préoccupants, dont des images générées par IA montrant Mark Carney aux côtés de Jeffrey Epstein et Ghislaine Maxwell. L’utilisation de contenus deepfake ciblant des chefs de partis,  notamment dans des publicités se faisant passer pour des contenus journalistiques, nuit à la qualité du cycle médiatique et du journalisme, éléments pourtant cruciaux durant une campagne électorale. 

    Faux comptes et contenu généré par IA : En collaboration avec le Pol Comm Tech Lab, nous avons identifié certains comptes sur X et TikTok utilisant des avatars fictifs diffusant du contenu anti-libéral, pro-Trump ou généré par IA. Le recours à de fausses identités et à des médias synthétiques pour promouvoir des récits partisans — particulièrement lorsque c’est fait de manière dissimulée — peut miner la confiance dans l’écosystème de l'information, fausser le débat public authentique, et potentiellement constituer une forme de manipulation de l’information ou d’interférence. 

    L’Applied AI Institute souligne que les élections peuvent être affectées par des dynamiques plus larges dans l’écosystème médiatique. Le déluge de publicités assistées par IA démontre comment une modération inadéquate peut compromettre la qualité de l’information pendant une élection. Plus encore, la fréquence de ces publicités semble indiquer qu’en ligne, le succès repose moins sur le journalisme que sur la rentabilité des escroqueries, remettant en question le rôle des plateformes dans l’économie de l’information en période électorale.

Incidents d’information

Pendant la campagne électorale, nous rendons compte des incidents d'information susceptibles d’induire le public en erreur et de perturber le processus démocratique. De manière générale, nous nous concentrons sur les tentatives de manipulation de l'information menées de façon clandestine ainsi que sur les efforts d’ingérence étrangère, par opposition aux actions d’influence, qui sont par définition ouvertes et publiques. 
Cette semaine, nous faisons le point sur nos enquêtes concernant deux incidents modérés. Cliquez ici pour en savoir plus sur nos seuils d’intervention en cas d’incident.

Incidents modérés en cours

Fausses nouvelles générées par IA 

Depuis le début de la campagne électorale, nous avons enquêté sur des publicités politiques frauduleuses se faisant passer pour de véritables sources d’information sur les médias sociaux — principalement sur Facebook, mais aussi sur d’autres grandes plateformes. La prolifération de ces publicités a été classée comme un incident modéré, en raison de son ampleur, du caractère politique du contenu, de la désinformation diffusée et du risque d’influence sur les attitudes des Canadiens. Grâce aux observations de notre équipe sur le terrain, aux signalements du public et à des recherches par mots-clés sur les médias sociaux, nous avons identifié près de 100 pages Facebook ayant acheté ces publicités frauduleuses — mais le nombre réel de fausses publicités est probablement beaucoup plus élevé. Un grand nombre de Canadiens ont été exposés à ce contenu : 24 % disent avoir vu, pendant la campagne, des publications ou des sites web imitant le nom, le logo ou le design de sources d’information légitimes. 

Nous estimons que les publicités les plus virales — avec environ 6 000 réactions, commentaires et partages — ont été vues par plus de 100 000 Canadiens. Les publicités et faux articles étaient fortement politisés, mettant en scène des deepfakes de chefs de partis et un discours politique incendiaire. Le contenu n’était pas étiqueté comme publicité politique sur Facebook, et il circulait également sur Google et YouTube, même si la publicité politique y est théoriquement interdite au Canada. Ces publicités semblaient moins présentes après le jour du scrutin : aucun membre de notre équipe n’en a vu et aucun signalement n’a été reçu via notre ligne de signalement. Toutefois, plus du tiers des pages que nous avons identifiées n’ont pas été supprimées par Meta, et certaines ont commencé à cibler des citoyens d’autres pays (principalement en Europe) avec des escroqueries similaires. Nous présentons plus de détails sur ces publicités et faux articles — leur origine, leur impact potentiel, ainsi que la réponse de Meta — dans les deux mises à jour d’incidents publiées pendant la campagne.


Montée des allégations portant atteinte à l’intégrité électorale

La semaine dernière, nous avons signalé une hausse marquée des affirmations sapant l’intégrité électorale, classée comme incident modéré en raison de l’augmentation notable de leur fréquence et de leur portée. Cette semaine, nous faisons le point avec des détails supplémentaires sur ces affirmations, leur évolution au fil de la campagne et dans l’immédiat après-élection. Toutes les analyses présentées ici sont préliminaires, et feront l’objet d’enquêtes approfondies dans la période post-électorale. 

Pendant la période électorale (du 23 mars au 28 avril), nous avons recensé les principales allégations de fraude électorale observées par notre équipe sur le terrain et nos partenaires de recherche, analysé la fréquence de ces récits dans notre base de données sur les principales voix canadiennes en ligne, et examiné de plus près leur volume sur X, la plateforme où ces contenus ont été les plus visibles. 

Quelles affirmations ont été les plus présentes en ligne ?

Les récits de fraude électorale les plus fréquemment signalés pendant la campagne comprenaient : 

  1. Votes non admissibles ou frauduleux : Allégations selon lesquelles des personnes non admissibles auraient pu voter ; des électeurs se présentant au bureau de vote découvrant que leur nom avait déjà été rayé ou qu’ils n’étaient pas inscrits ; possibilité de voter avec n’importe quel type de pièce d’identité (ex. : flacon d’ordonnance) ; ou encore des personnes votant dans plusieurs bureaux de scrutin.

  2. Manipulation des bulletins de vote : Accusations selon lesquelles Élections Canada aurait jeté des bulletins comportant des erreurs d’orthographe dans les noms ; procédé au dépouillement avant l’heure ; laissé des travailleurs rapporter des boîtes non scellées à domicile ; mal sécurisé le traitement des bulletins dans les bureaux de vote ; ou encore retrouvé des bulletins dans des poubelles.  Ce dernier thème comprend également une sous-narration autour de l’appel à « venir avec son propre stylo » : des publications invitant les électeurs à apporter leur propre stylo plutôt que d’utiliser le crayon fourni, pour éviter que leur vote soit effacé. Parmi tous les récits liés à la fraude électorale, celui-ci a généré le plus d’engagement sur les médias sociaux. 

  3. Faux sondages : Remise en question de la validité des sondages ; utilisation de contenu généré par IA pour discréditer les firmes de sondage. 

  4. Long bulletin à Carleton : Spéculations sur les raisons pour lesquelles Élections Canada a permis l’inscription de 91 candidats dans la circonscription de Carleton, représentée par Pierre Poilievre.

Quand ces affirmations ont-elles gagné en visibilité en ligne ? 

Dans notre base de données regroupant les publications de figures canadiennes influentes sur les médias sociaux, nous avons identifié les publications mentionnant chacune de ces affirmations tout au long de la campagne électorale. (Dans cette analyse préliminaire, nous ne faisons pas la distinction entre les affirmations alléguant une fraude électorale et celles qui les réfutent). Notre analyse montre que la majorité des publications liées à la fraude électorale (67 %) ont été partagées sur X. Toutefois, la majorité de l’engagement (71 %, mesuré par le nombre de « j’aime ») a eu lieu sur des plateformes vidéo, comme YouTube et TikTok, malgré un volume de publications bien moindre sur ces plateformes. Les sujets liés à la fraude électorale ont suivi des chronologies différentes: 

  • Les sujets portant sur le processus de vote, comme le mot-clic «bring your pen» ou les votes non admissibles, ont atteint un pic d’engagement pendant la période de vote par anticipation (du 18 au 21 avril), avec une nouvelle hausse juste avant le jour du scrutin. 

  • Certains sujets ont émergé indépendamment des dates clés de la campagne, comme les affirmations concernant les faux sondages, dont l’engagement a augmenté autour du 10 avril, en lien avec la couverture médiatique des rassemblements conservateurs arborant les bannières «Do you believe the polls»? 

  • Les discussions sur la manipulation des bulletins de vote ont connu une hausse importante dans la semaine précédant l’élection.

Figure 3 : Prévalence des principales allégations remettant en question l’intégrité électorale pendant l’élection fédérale canadienne de 2025


Que s’est-il passé dans la conversation en ligne après l’élection ? 

Après le jour du scrutin, notre équipe sur le terrain a utilisé des comptes « avatars », de nouveaux profils calibrés pour apparaître comme des utilisateurs de gauche, centristes, de droite ou non politiques, afin d’observer les récits les plus répandus sur TikTok, Facebook, Instagram, X, Bluesky et RedNote. Toutes les principales allégations de fraude électorale repérées pendant la campagne ont refait surface comme affirmations populaires. L’attention s’est notamment portée sur la défaite de Pierre Poilievre dans Carleton, avec une évolution du thème du bulletin surchargé vers de nouvelles accusations de fraude électorale, alléguant des irrégularités dans le dépouillement anticipé (autorisé spécialement pour cette circonscription) et un redécoupage électoral injuste. Ces récits provenaient presque exclusivement de comptes orientés à droite, mais apparaissaient également dans les fils d’actualité de comptes calibrés comme centristes ou apolitiques. 

Ce constat a été confirmé par notre analyse post-électorale préliminaire sur X, où nous avons isolé les affirmations de fraude électorale du reste des discussions. Nous avons observé une explosion de publications diffusant ces récits le 29 avril, atteignant 813 publications — soit une augmentation de 1667 % par rapport à la moyenne quotidienne de 46 publications avant l’élection. Parmi les 459 publications attribuant une responsabilité, la majorité visaient Mark Carney et le Parti libéral, mais certaines mettaient également en cause des pays étrangers comme la Chine et les États-Unis. Nous anticipons que ces affirmations continueront de circuler à court terme. Bien que nous ne prévoyions pas qu’elles soient largement reprises dans l’ensemble de l’écosystème médiatique, elles pourraient néanmoins nuire à la confiance du public dans les institutions électorales, démocratiques et à la nouvelle administration. 

Nous poursuivrons notre enquête dans un rapport post-électoral à venir.

Ces affirmations ont-elles influencé la confiance du public ? 

Malgré l’ampleur des discussions en ligne, nous continuons d’observer des niveaux de confiance stables chez les Canadiens à l’égard des résultats électoraux et de la capacité d’Élections Canada à administrer l’élection de manière équitable. Comme la semaine précédente, nos sondages indiquent des niveaux de confiance constants : 74 % des répondant·es déclarent avoir « passablement confiance » ou « très confiance » dans les résultats de l’élection, et 85 % expriment une confiance modérée ou plus élevée envers le bon déroulement du processus électoral par Élections Canada.


COALITION RESOURCES

Digital Forensic Research Lab (DFRLab)

Le plus récent article du DFRLab, « How Social Media Shaped the 2025 Canadian Election », analyse comment l’écosystème de l'information actuel — marqué par une modération laxiste des plateformes, de la désinformation générée par IA et de l’interférence étrangère — met en lumière les nouveaux défis auxquels fait face l’intégrité électorale.

Information Integrity Lab

Le 7 mai, le Information Integrity Lab organise la conférence « The Arctic and Climate Change : The Intersection of Geopolitics and Disinformation ». Cet événement réunira des perspectives provenant de différents États arctiques sur les campagnes d’influence malveillante étatique visant à déformer ou affaiblir les débats climatiques à des fins stratégiques. Pour vous inscrire, cliquez ici


Cette semaine, sur notre ligne de signalement:

  • Nous avons reçu un total de 230 signalements depuis le début de la période électorale, dont 17 nouveaux cette semaine. 

  • 59 % des nouvelles soumissions concernent des publications sur Facebook, 24 % proviennent de YouTube, 12 % de sites de médias ou d’actualités, et les 6 % restants d’Instagram.

  • Les signalements de cette semaine portent principalement sur deux grands thèmes* : 

    • Des utilisateurs signalent du contenu diffusant des affirmations trompeuses sur les élections, impliquant souvent Justin Trudeau, Radio-Canada et des récits manipulés. 

    • D’autres mettent en lumière la diffusion de fausses affirmations sur Mark Carney sur Facebook, soulignant des liens fabriqués et des récits trompeurs.

      * Remarque : Les sujets signalés reflètent les préoccupations courantes des utilisateur·rice·s. Certains peuvent mener à l’ouverture d’incidents potentiels dans l’écosystème médiatique, mais ils n’indiquent pas nécessairement la présence de menaces ou d’événements imminents.

Nous tenons à remercier sincèrement toutes les personnes qui ont soumis des signalements via la ligne de signalement. Qu’ils soient petits ou grands, vos apports sont grandement appréciés. Même si l’élection est terminée, la ligne de signalement demeure ouverte, et nous continuerons à examiner les nouvelles soumissions alors que nous surveillons l’évolution des menaces au sein de l’écosystème de l'information.

 

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